La transmission d’entreprises : deux décisions déterminantes !

Deux décisions déterminantes

L’actualité de la transmission d’entreprise a été marquée par la consultation publique intervenue en date du 6 avril 2021, qui a donné lieu à la mise à jour de la doctrine fiscale, en date du 21 décembre 2021.

 

Deux décisions sont intervenues depuis, en date des 9 février et 21 février 2022. Ces dernières apportent un éclairage particulièrement intéressant sur deux éléments importants du dispositif.

 

La première traite de la notion d’activité éligible et de l’importance pour cette dernière d’être maintenue pendant toute la durée des engagements.

 

La seconde s’intéresse aux actifs détenus par l’entreprise transmise.

1- Décision de la cour d’appel de Paris en date du 21 février 2022 (N°20/08155)

Dans cette affaire, des époux ont consenti deux donations portant sur la pleine propriété de parts sociales de trois sociétés. Ces donations ont été placées sous le bénéfice du régime de faveur de l’article 787 B du code général des impôts.

 

L’activité des sociétés, supposée éligible, était une activité de marchand de biens, mais également de location de locaux aménagés à titre accessoire.

 

L’administration a contesté l’éligibilité de l’activité de marchand de biens et a été en cela rejointe par la cour d’appel qui s’est fondée sur les éléments suivants :

  • Les opérations d’achat revente avaient été trop peu nombreuses, à savoir cinq opérations en plusieurs années, dont 4 réalisées au profit de membres de la famille,
  • La 5ème opération ayant porté sur un bien qui avait été immobilisé à l’actif de la société depuis 1999,
  • Que ces opérations, trop espacées dans le temps, ne peuvent illustrer une habitude et démontrent un caractère patrimonial,
  • Qu’en outre, d’autres opérations l’avaient été au profit d’une structure sœur qui avait conservé lesdits immeubles.

Nous pouvons donc conclure de ces éléments que les immeubles avaient été conservés au final, soit par des membres de la famille, soit par des sociétés détenues par le groupe familial. Que de ce fait, le caractère commercial de l’activité d’achat revente masquait une activité purement patrimoniale, quant à elle non éligible. En outre, cela permet de rappeler qu’il ressort de la documentation fiscale l’obligation du maintien d’une activité éligible pour toute la durée des engagements (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 du 21 décembre 2021 §25).

2 - Décision de la cour de cassation en date du 9 février 2022 (N°20-10.753)

Dans cette affaire, un agriculteur est décédé, laissant pour lui succéder ses légataires universels, à savoir sa nièce et son neveu. Ceux-ci ont opté pour l’application du dispositif de faveur de l’article 787 C du code général des impôts.

 

L’administration fiscale a contesté le fait que des valeurs mobilières de placements ainsi que des liquidités avaient été inclus à l’actif de l’entreprise transmise.

 

La cour d’appel ayant donné raison à l’administration fiscale, pourvoi en cassation a été formé.

 

La cour de cassation a rejeté le pouvoir ainsi formé pour les raisons suivantes :

  • L’inscription de biens à l’actif du bilan ne fait que présumer de leur caractère d’affectation à l’activité, présomption qui peut faire l’objet d’une preuve contraire apportée par l’administration fiscale, qu’en l’espèce les fonds en question provenaient d’une succession, et que l’exploitant n’avait pas prévu de réaliser d’investissements au sein de l’entreprise,
  • Que les biens en question n’ont été inscrits à l’actif du bilan que postérieurement au décès de l’exploitant,
  • Que l’entreprise disposait de liquidités bien supérieures à son besoin en fonds de roulement.

Il convient de rappeler que le critère de l’affectation à l’exploitation est indépendant d’une inscription au bilan de l’entreprise.

 

Il ressort en effet de la documentation fiscale (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, 6 avr. 2021, § 10) ce qui suit : « Les biens affectés à l'exploitation sont les biens nécessaires à l'exercice de la profession. Ce critère est donc indépendant de la présence du bien à l'actif du bilan de l'entreprise. Ainsi, les biens non affectés à l'exploitation, tels que des immeubles à usage d'habitation ou des valeurs mobilières (titres de placement), sont exclus du bénéfice de l'exonération partielle, même s'ils figurent à l'actif du bilan de l'exploitation individuelle ».

Cette décision rappelle ainsi ce qu’était la position de l’administration fiscale et de la jurisprudence à l’époque de l’impôt de solidarité sur la fortune et des trésoreries excédentaires au besoin en fonds de roulement. Cette décision, prise dans le cadre du dispositif de l’article 787 C du code général des impôts, pourrait être constitutive d’un pas fait en direction d’une taxation des éléments inscrits au bilan d’une société transmise sous le bénéfice du régime de faveur de l’article 787 B du même code et pourrait aboutir à donner à coup d’arrêt aux opérations de transmissions, à travers ledit dispositif, d’éléments dont l’affectation à l’exploitation pourrait être discutable à l’image de trésorerie excédentaire, d’activités patrimoniales accessoires, etc.

Une décision qui appelle à la plus grande vigilance !

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